Bienveillance et relations conflictuelles
Un article du monde en date du 27 août 2021 et intitulé « On est en train de devenir complètement nunuche : comment l’exigence de bienveillance empoisonne les relations sociales »a attiré mon attention.
Il est question du fait que l’injonction de bienveillance dans nos relations finit par être contre-productive : alors qu’elle vise à instaurer un dialogue ouvert et non agressif par la mise en confiance de notre interlocuteur en lui faisant part de nos bonnes intentions à son égard, cette précaution nous amène à être moins directs, précautionneux dans nos propos et donc suspectés de manipulation par celui à qui l’on veut du bien. De fait, la bienveillance peut générer des relations conflictuelles, celles-là même qu’elle entendait éviter. Le monde du management n’échappe pas à ce phénomène.
La crainte de mal faire
Bon nombre de managers que je croise disent d’abord ne surtout pas vouloir jouer le rôle du « méchant », ni celui du petit chef autoritaire qui abuse de son petit pouvoir. Ils se posent ensuite la question de savoir s’ils ont assez donné à leurs collaborateurs.
Alors ils font attention :
- aux feed back que leurs collaborateurs pourraient prendre mal,
- à ne pas être trop directs dans leurs propos pour ne pas heurter la sensibilité de leurs équipiers,
- à être égalitaristes dans la manière de les diriger,
- à capter les signaux faibles que pourraient leur envoyer leurs collaborateurs sur ce qu’ils attendent de leur manager et sur leur bien-être.
Pour autant :
- Intérieurement, ils bouillent de voir des collaborateurs répéter les mêmes erreurs alors qu’ils ont du potentiel
- Ils n’ont pas de retours sur la pertinence de tout ce qu’ils ont donné, alors ils se posent la question de leur propre valeur ajoutée (ce qu’accentue le télétravail)
Alors que les collaborateurs ne savent plus où ils en sont par défaut de points de repères sur leur performance professionnelle de la part de leur manager
Les dérives de la bienveillance
L’article cité plus haut souligne de manière pertinente les dérives possibles d’une bienveillance érigée en dogme et nous observons qu’elle encourage un management précautionneux qui peut produire l’inverse de ce qu’il recherche : une dégradation des relations manager/managé, des attentes respectives non exprimées, donc de la frustration de part et d’autre.
Et si l’exigence constituait l’authentique bienveillance ?
Substituons au management précautionneux un management basé sur des relations exigeantes dans lequel chacun – manager et managé – exprime ce qu’il souhaite de l’autre pour tenir sa fonction. Un management dans lequel recevoir un feed back est une condition pour progresser et non une blessure narcissique, dans lequel enfin, demander de l’aide est une manifestation de responsabilité et de professionnalisme et non un aveu d’incompétence infâmant.
Cet éclairage nous rappelle que la bienveillance est intimement liée à l’authentique exigence et que donner sans avoir rendu notre interlocuteur demandeur, c’est prendre le risque de l’assistanat.