En tant que manager, la tentation est grande de diriger ses collaborateurs sur la base de son propre système de valeurs, tout simplement parce que c’est celui que l’on connaît le mieux et parce qu’il nous semble le meilleur …puisque c’est le nôtre !
Le Larousse nous dit qu’une valeur est : « Ce qui est posé comme vrai, beau, bien, d’un point de vue personnel ». Notre système de valeurs nous sert de colonne vertébrale, de garde-fou de nos comportements, il nous permet de poser nos propres limites. Il est le fruit de notre histoire personnelle, que nous tentons de transmettre à notre descendance de manière volontaire ou fortuite.
Prenons ce Directeur d’usine, Marc, homme de principes, détenteur d’un système de valeurs qui lui a permis d’une mener une belle carrière professionnelle dont il peut être fier et qui mène son établissement avec enthousiasme, implication et droiture. Rigoureux et compétent, il conçoit qu’être professionnel, c’est prendre ses responsabilités, assumer ses erreurs, intervenir en réunion pour faire part de ses désaccords, challenger aussi bien son manager, ses collègues que ses collaborateurs, bref, qu’il ne faut pas avoir peur de se positionner quel que soit son interlocuteur. Marc est d’ailleurs reconnu dans l’entreprise comme quelqu’un qui “n’hésite pas à l’ouvrir”. Il prône les valeurs de travail, d’effort et de responsabilité.
Mais lorsqu’il constate, qu’au sein même de son Comité de Direction d’usine, certains de ses collaborateurs directs n’osent pas intervenir et se mettent en retrait en attendant qu’il tranche, Marc se met en colère : “ Ils sont cadres, tout de même ! Et quand on fait partie de l’encadrement, on assume ! On se doit de prendre ses responsabilités, et d’être exemplaire ! C’est ce que je n’arrête pas de leur dire !” Mais sans résultats probants, apparemment.
Comment se fait-il que Marc ne parvienne pas à faire évoluer le comportement de ses collaborateurs sur des valeurs non dénuées de bon sens ? Comment se fait-il que Marc, rompu à l’exercice de la relation professionnelle par une carrière significative, ne parvienne pas à transmettre ses valeurs, à faire adhérer son équipe à sa vision de ce que doit être un CODIR d’usine ?
Marc touche du doigt les limites d’un management dans lequel il met son système de valeurs en avant et dirige ses collaborateurs à l’aune de celui-ci. De ce fait, son équipe est composée de personnes avec qui il fonctionne de manière “naturelle” et sans heurts dans la mesure où ils partagent les mêmes valeurs et d’autres collaborateurs avec qui “ça ne passe pas” car leurs comportements demeurent une énigme pour lui.
Il y a des limites à interagir avec son système de valeurs
Notre système de valeurs est le fruit de notre histoire : celui de notre éducation, de nos croyances, des événements que nous avons vécus, de la manière dont nous nous sommes construits. A ce titre, interagir sur la base de valeurs, c’est prendre le risque d’être confronté à celui de notre interlocuteur, et donc à l’impossibilité de fonctionner ensemble de manière efficace.
De plus, vouloir appliquer à son interlocuteur son propre système de valeurs revient à lui interdire de vivre le sien. Il n’y a pas de meilleur moyen pour être vécu comme autoritaire par ses interlocuteurs : ils vivront le fait qu’exprimer une objection, un désaccord revient à de la contestation et que dans ces conditions, toute discussion est inutile. C’est d’ailleurs ce que disaient certains collaborateurs de Marc quand ils étaient challengés sur leurs comportements de retrait lors des Codir d’usine : « il n’y a pas moyen de discuter avec lui, il part dans de grands discours et après, il décide de tout, tout seul ! »
Interagir à l’aune de son système de valeurs constitue un filtre qui empêche d’accéder au fonctionnement et à la prise en compte des envies et des craintes de nos interlocuteurs et donc de la possibilité de les convaincre.
Ne pas renoncer à ses valeurs mais en faire un usage adéquat
« Vous êtes en train de me demander de renoncer à mes valeurs pour m’adapter à mes collaborateurs, à ce qui me porte et me structure dans ma vie ! » s’emporte Marc. Il n’a pas tort, à vouloir coller au fonctionnement de l’autre, on risque de se perdre soi-même. Mais qu’il se rassure, un système de valeurs sert à rester cohérent avec soi-même, à préserver son intégrité morale et donc sa santé mentale, il est effectivement crucial pour chacun d’entre nous de le préserver.
« Mais vous venez de me dire qu’interagir à partir de ses valeurs était un frein à une relation efficace, et maintenant vous dites qu’il ne faut surtout pas y renoncer ! », Marc ne lâche pas facilement, c’est une de ses valeurs cardinales …
Interagir de manière efficace avec ses interlocuteurs, se faire entendre et obtenir d’eux ce que nous souhaitons, suppose de se décaler de son propre système de valeurs pour accéder à celui de l’autre et ainsi mieux comprendre ses comportements, sans pour autant renoncer à vouloir le faire progresser.
Limpide ….. Comme toujours avec JMG à la baguette … J’attends la chronique N° 2 avec impatience !!!!